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Fête de Saint Charles Borromée, Patron du Diocèse de Joliette

  • Posted by Thomas Chirayil
  • On November 8, 2016
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Fête de Saint Charles Borromée, Patron du Diocèse de Joliette
Homélie du Nonce Apostolique, Mgr. Luigi Bonazzi
Cathédrale de Joliette, 4 novembre 2016

 
 

Cher Évêque Raymond,
Chers frères et sœurs du diocèse de Joliette,

L’année passée, en ce même jour, j’étais ici avec vous pour accompagner votre évêque Raymond qui commençait son ministère de Bon Pasteur parmi vous. Avec joie je concélèbre aujourd’hui la Sainte Eucharistie à côté de votre évêque, toujours dans le jour de Fête de Saint Charles Borromée, Patron de votre diocèse et de votre Cathédrale, pour remercier avec lui et avec vous le Seigneur à la conclusion de sa première année de service épiscopal.

Peut-être vous en souvenez : l’année passée, en conclusion de mes vœux, je vous avais tous invités – prêtres, religieux et religieuses, diacres permanents et fidèles laïcs – « à collaborer avec Mgr Poisson, de manière à écrire une nouvelle page, belle et digne d’être racontée aux futures générations, de la vie de votre Diocèse ».

J’aimerais reprendre l’image de la ‘nouvelle page’. Avec cette image, je voulais souligner l’aspect dynamique, créatif, de la vie chrétienne, toujours accompagnée et habitée par la présence du Seigneur qui fait toutes choses nouvelles (cfr. Ap 21,5). C’est-à-dire que le Seigneur est – comme souvent le Pape François nous le rappelle – ‘le Dieu des surprises’. Il vient à nous avec des dons toujours nouveaux, des cadeaux conçus par son cœur paternel, qui connaît ce dont nous avons besoin avant même que nous lui demandons (cfr. Mt 6,8). Mais savons-nous nous ouvrir aux dons que le Seigneur veut nous faire chaque jour, même maintenant ? Ou dans notre vie est plus forte l’habitude, la routine, la répétition mécanique des mêmes choses ? Souvenons-nous : il n’y a pas de routine avec le Seigneur ! Avec cette conscience, il est important de vivre avec cet amour vigilant qui nous amène à dire souvent : « Que veux-tu, Seigneur? ».

Nous sommes réunis dans ce jour de fête de Saint Charles Borromée, votre patron. Et dans cette merveilleuse cathédrale, qui lui est dédiée, Saint Charles vous accueille, désireux de collaborer avec vous dans la rédaction de cette ‘nouvelle page’ de votre diocèse. Oui, j’aimerais que chacun de vous puisse apercevoir, de manière très forte et concrète – à son côté – la présence fraternelle et bienveillante de Saint Charles Borromée. Une observation de Maritain nous aide à ouvrir les yeux sur cette vérité précieuse et consolante :

«Puisque l’Eglise Triomphante ne forme qu’une seule Église avec l’Église militante, et puisque les saints continuent à s’occuper des choses de la terre et à s’en intéresser, et bien, ils ont certainement leurs idées et leurs intentions à l’égard de ces choses, à l’égard de la vie et du comportement de chacun de nous, des événements du monde et du progrès, et de l’expansion du royaume de Dieu. Chacun d’eux a aussi ses propres idées sur ce qui concerne plus précisément la mission qu’il avait ici-bas ». Saint Charles Borromée, qui fut évêque – un grand évêque – continue donc, du Ciel, à faire l’évêque, à prendre soin des Évêques et des Diocèses, non seulement de son Archidiocèse de Milan, mais aussi des Évêques et des diocèses qui ont une relation spéciale avec lui : il prend soins de vous, cher Monseigneur Poisson, et de vous, chers frères et sœurs de Joliette, qui avez en Saint Charles Borromée votre Patron.

Maintenant, quel type d’aide pourrait donner Saint Charles Borromée au diocèse de Joliette, tout occupé à écrire une ‘nouvelle page’ ? Je pense que, d’abord, il vous indiquerait par où commencer, sur quelle base solide construire. Saint Charles Borromée, comme vous le savez, est passé à l’histoire comme un évêque qui s’est distingué par ses nombreuses initiatives pastorales. Pensons aux séminaires qu’il a fondés pour la formation du clergé, pensons aux écoles pour la Doctrine Chrétienne qu’il a voulues dans chaque paroisse pour offrir aux fidèles une éducation organique et régulière, pensons aux Synodes diocésaines à ses visites pastorales… Demandons-nous : d’où venait cette infatigable activité apostolique ? La réponse nous la rencontrons dans la ‘primauté’ qu’il donnait à la ‘dimension contemplative’ de la vie : à la prière, à l’adoration. Pour Saint Charles, la prière n’était pas seulement la nourriture quotidienne avec laquelle un pasteur d’âmes nourrit son effort quotidien : ses longues heures de prière, surtout nocturnes – devant le crucifix et souvent les larmes aux yeux – lui permettaient d’entrer dans le mystère de Dieu, révélé dans le visage miséricordieux de Jésus, et, ensemble, d’entrer dans la connaissance des besoins matériels et spirituels de son peuple. Tout, pour Saint Charles, commençait par et conduisait à l’amour du Christ. Et ce que lui en premier vivait, il le proposait à ses fidèles. Nous le voyons, par exemple, dans son discours à la conclusion du onzième Synode diocésain, le 21 avril, 1584, quelques mois avant sa mort. Il demande à tous les participants au Synode : « Avec générosité et noblesse d’esprit, décidons-nous à servir Dieu parce que nous l’aimons… Lui seul soit la cause, le but et la récompense de notre amour pour Lui…. J’aimerais qu’une seule soit la raison qui nous amène à faire et supporter toutes ces tâches, j’oserais dire, même des tâches encore plus nombreuses et lourdes : Dieu est celui pour lequel nous nous fatiguons, Dieu est Celui à qui nous servons ».

De nos jours, un autre grand évêque nommé Charles, Karol Wojtyla, devenu ensuite Pape Jean-Paul II, a exhorté l’Église et chacun de nous à trouver un nouvel élan dans la vie chrétienne ‘à partir du Christ’. Dans la Lettre Apostolique Novo Millennio Ineunte, que j’aime considérer son testament spirituel, écrite à la fin du Grand Jubilé de l’An 2000, quand l’Église traversait le seuil du troisième millénaire, Saint Jean-Paul II s’est posé la question : « que devons-nous faire ? » (Actes 2,37). Et il a répondu avec profonde certitude : «Non, ce n’est pas une formule qui nous sauvera, mais une Personne, et la certitude qu’elle nous inspire : Je suis avec vous ! 

Il ne s’agit pas alors d’inventer un « nouveau programme ». Le programme existe déjà : c’est celui de toujours, tiré de l’Évangile et de la Tradition vivante. Il est centré, en dernière analyse, sur le Christ lui-même, qu’il faut connaître, aimer, imiter, pour vivre en lui la vie trinitaire et pour transformer avec lui l’histoire jusqu’à son achèvement dans la Jérusalem céleste… Ce programme de toujours est notre programme pour le troisième millénaire » (NMI, 29).

Mais aussi notre bien-aimé Pape François, qui ne cesse d’inviter l’Église ‘à sortir’ et à se faire proche, comme le ‘bon samaritain’, à celui qui est le plus dans le besoin, ne cesse pas, en même temps, de l’exhorter à être tout d’abord une Église qui a des racines profondes en Dieu, dans le mystère de la Trinité et de la Rédemption accomplie par le Christ. Tout le cinquième chapitre de l’Exhortation Apostolique Evangelii Gaudium insiste sur ce point fondamental. « Jésus veut des évangélisateurs qui annoncent la Bonne Nouvelle non seulement avec des paroles, mais surtout avec leur vie transfigurée par la présence de Dieu » (259). «Sans des moments prolongés d’adoration, de rencontre priante avec la Parole, de dialogue sincère avec le Seigneur, les tâches se vident facilement de sens, nous nous affaiblissons à cause de la fatigue et des difficultés, et la ferveur s’éteint » (262).

Les enseignements et les témoignages de Saint Charles Borromée, de Saint Jean-Paul II et de Pape François, que nous venons de rappeler, sont lumineusement contenus et exprimés dans la devise de votre évêque, Mgr. Poisson, qui peut devenir la devise du Diocèse de Joliette lors qu’il écrit cette ‘nouvelle page’ de son histoire : « Adspicientes in Jesum », Les yeux fixés sur Jésus (He 12,2).

Oui, chers fidèles du diocèse de Joliette: pour écrire une ‘nouvelle page’, une belle page et digne d’être racontée aux générations futures, vous êtes appelés – chacun personnellement et ‘ensemble’, comme communauté diocésaine – à fixer votre esprit et votre cœur sur Jésus. Dans l’Évangile qui a été proclamé Jésus nous assure qu’Il est le ‘Bon Pasteur’ : Il nous connaît, Il sait ce dont nous avons besoin, Il donne sa vie pour nous (cfr. Jn 10, 11-16). Tournons-nous vers Lui, suivons-Le. Mettons-Le au centre de notre vie ; Lui soit notre seul bien.

Sans jamais oublier que, lorsque Jésus est au centre de notre vie, de même aussi le sont tous nos frères et sœurs. En eux, en fait, nous rencontrons et nous reconnaissons Jésus qui nous a dit : «chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait» (Mt 25,40). Conduits par l’Esprit du Christ qui est en nous (cfr Rom 8 ss), il deviendra alors spontanée cultiver et vivre ces sentiments dont nous a parlé Saint Paul dans sa Lettre aux Romains : «Que votre amour soit sans hypocrisie. Fuyez le mal avec horreur, attachez-vous au bien. Soyez unis les uns aux autres par l’affection fraternelle, rivalisez de respect les uns pour les autres. Ne ralentissez pas votre élan, restez dans la ferveur de l’Esprit, servez le Seigneur, ayez la joie de l’espérance, tenez bon dans l’épreuve, soyez assidus à la prière. Partagez avec les fidèles qui sont dans le besoin, pratiquez l’hospitalité avec empressement» (Rm 12, 9-13).

Et toujours plus l’Église se rendra visible parmi vous. Qu’est-ce que c’est, ou plutôt ‘qui est’ l’Église ? Répond le Concile Vatican II «L’Église…, dans le Christ, (est) en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (LG1).

L’Église, par conséquent, est elle-même si elle ‘est’ dans le Christ, si Elle vit dans le Christ, par le Christ et pour le Christ, et si, étant en Christ, Elle est signe et instrument de communion : d’union intime et filiale avec Dieu, et d’unité fraternelle avec tout le genre humain. Tout dans l’Église est au service de cette union intime avec Dieu et de l’unité entre les frères : la Parole annoncée, les sacrements célébrés, les ‘dons hiérarchiques’ comme les ‘dons charismatiques’, l’engagement social, culturel et politique de fidèles laïcs.

Je vous souhaite, très chers frères et sœurs, je souhaite au diocèse de Joliette de marcher sans délai et ‘ensemble’ – sous la direction de votre bien-aimé Evêque – sur le chemin de l’Église : vers le Christ, Lui qui toujours le premier vient à notre rencontre et frappe à notre porte (cfr. Ap 3,20), et vers chaque frère et sœur que la Providence nous fait rencontrer. C’est votre projet ecclésial : «Avance au large». Tout en sachant que, dans sa mise en œuvre, vous pouvez toujours compter sur la puissante intercession de saint Charles Borromée, votre patron. Et avec saint Charles Borromée remercions le Seigneur.