français   •   english

Day of Consecrated Life

  • Posted by Thomas Chirayil
  • On February 3, 2015
  • 0 Comments

Homélie du Nonce Apostolique, Mgr. Luigi Bonazzi
« 24 heures pour un nouveau printemps de la vie consacrée »
Montréal, samedi 31 janvier 2015

 

Chers religieux et religieuses, chers consacré-es,

Chers frères et sœurs,

Nous célébrons cette Eucharistie en action de grâce pour le don de la Vie Consacrée. L’action de grâce surgit toujours en face d’évènements, petits ou grands, qui nous surprennent et qui suscitent en nous émerveillement, louange, et gratitude. Dans le passage de la lettre aux Hébreux (11,1-2.8-19) que nous venons d’entendre, nous nous retrouvons, pour ainsi dire, en face de la naissance dans l’histoire d’évènements qui nous surprennent et que jamais l’esprit de l’homme n’aurait pu imaginer par lui seul.

Ces évènements commencent avec Abraham. Celui-ci partit vers un pays qui devait lui être donnée comme héritage. Et il partit sans savoir où il allait. Abraham est devenu notre père à tous (Rm 4,16-17), le père des croyants. Sa femme, Sarah, malgré son âge, fut rendue capable d’avoir une descendance parce qu’elle avait pensé que Dieu serait fidèle à sa promesse. Là aussi, c’est la foi qui opère. Des choses que l’on dit « impossibles » deviennent possibles et se réalisent à cause de la foi.

L’Évangile de Marc quant à lui, (4,35-41) nous raconte aujourd’hui une situation dangereuse, et même alarmante. Alors que Jésus et ses disciples traversaient le lac, du fait d’une tempête inattendue, la barque où ils se trouvaient se remplit d’eau et commence à couler. Réveillé, Jésus calme le vent et dit à ceux qui l’avaient réveillé : « Pourquoi avoir peur ? Comment se fait-il que vous n’ayez pas la foi ? » La foi ! Don qui allume dans la vie une nouvelle lumière et une nouvelle ardeur. Et cela dans la mesure où une personne se rend compte, de manière de plus en plus consciente, qu’elle n’est pas seule, mais qu’elle est accompagnée, précédée et suivie par une présence.

Une présence qui devient de plus en plus importante, fondamentale : la présence de Dieu, la rencontre avec Dieu. À partir de cette rencontre, la vie quotidienne, la vie ordinaire, reste ordinaire, mais elle entre dans une dimension nouvelle. Elle devient l’histoire d’une « prodigieuse synergie » : moi avec Dieu, Dieu avec moi. Dieu pour moi, moi pour Dieu.

Elle devient une histoire de foi, de confiance illimitée. Une histoire d’amour : la foi est amour en acte ; un amour continuellement en mouvement.

« Grace à la foi » : Avec Abraham, commence l’histoire de la foi, la foi qui suscite l’amour.

Avec Abraham commencent les miracles de la foi, les miracles de l’amour.

La foi d’Abraham au Dieu unique devient, avec l’Incarnation, la foi dans le Fils de Dieu fait homme : la foi en Jésus Christ. C’est ainsi que nous avons la foi de Pierre : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. (Mt 16,16);  la foi de Paul : ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi. (Gal 2,20); la foi des martyrs…

Nous avons la foi d’Antoine, un jeune égyptien du troisième siècle qui s’est senti appelé à suivre le Seigneur au désert lorsqu’il entendit dans la liturgie cette page d’Évangile : Si tu veux être parfait, va vends ce que tu possèdes et donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans les cieux, puis viens, suis-moi. (Mt 19, 21). Antoine est considéré comme le père des moines et le père de toutes les formes de vie religieuse.

Cette histoire de la foi et de l’amour a rejoint le Canada grâce à Sainte Marie de l’Incarnation et à Saint François de Laval,  et à travers tous les saints et bienheureux du Canada : les Saints Martyrs du Canada, Sainte Kateri Tekakwitha,  Sainte Marguerite Bourgeoys, Sainte Marguerite d’Youville, le saint Frère André,  les bienheureuses Catherine de Saint Augustin, Marie-Léonie Paradis, Émilie Gamelin, Marie-Anne Blondin et tant d’autres… Remercions le Seigneur pour cette histoire de foi et d’amour qui continue !

Foi et amour, un amour fort et toujours brûlant, alimenté par la foi : voilà le cœur, le secret, le parfum de la vie consacrée. La vie consacrée, avant d’être une institution ou un ensemble de réalités objectives et complémentaires entre elles, est une relation, un dialogue d’amour intime et concret qui se tisse entre Dieu et une personne. Dieu « s’ouvre » et se révèle, il appelle et il entre en relation. Rejoints par cet amour, certaines personnes, hommes et femmes, répondent, et, à leur tour, s’ouvrent et se donnent, se trouvant engagés dans une relation avec Dieu qui tend vers une communion en plénitude.

Tu m’as séduit, Seigneur, et je me suis laissé séduire, criait Jérémie, incapable de résister à la force irrésistible de l’amour de Dieu. (20,7). La vie consacrée nait dans ce contexte de manifestation de l’amour, comme un désir de répondre à l’Amour par l’amour. Il s’agit d’aimer en retour ! En italien, nous dirions : ‘Ri-amare l’Amore’.

Dans la vie consacrée, la primauté est celle de l’amour. Et c’est dans l’amour que la vie consacrée trouve son ultime raison d’être. Un témoin de Dieu qui est Amour : voilà ce qu’est la personne consacrée. Et combien il est urgent – surtout aujourd’hui, ici, dans une grande ville comme Montréal – le besoin de personnes capables d’aider leurs prochains à rencontrer Dieu qui est Amour !  Touchée par l’amour, la personne consacrée devient témoin de l’amour.

J’aimerais rappeler ici le dialogue entre Sainte Giuseppina Bakhita – qui, au Soudan avait connu l’expérience dégradante de l’esclavage – et l’évêque de Vérone qui voulait vérifier sa vocation religieuse. L’évêque lui demande : « Qu’est-ce que cela veut dire ‘Bakhita’ ?»

« Cela veut dire ‘Fortunata’ », ‘chanceuse’, répond sœur Giuseppina”. «Tu crois que c’est un nom ajusté pour toi ? » lui demande l’évêque. «Oui, répond-elle, je suis heureuse ! »

« Et c’est quoi pour toi le bonheur ? » Et Bakhita répond : « L’amour de Dieu ! Amour qui m’a toujours accompagné de manière mystérieuse, même quand je ne le savais pas. Toute ma vie est un don de Dieu ! Si je rencontrais ces gens (ceux qui l’avaient réduite en esclavage et traitée comme une esclave) je me mettrais à genoux et je leur embrasserais les mains, parce que sans eux, je ne serais pas chrétienne… »

Bien chers consacré-es, il y a une chose, je dirais même une seule chose, que les hommes et les femmes de notre temps s’attendent à rencontrer et à recevoir d’une personne consacrée : Dieu ! L’Amour de Dieu.

Permettez-moi alors, au nom et avec l’affection du Pape François, de vous lancer un vibrant appel : à partir de votre vie personnelle et communautaire, offrez le témoignage de la primauté de Dieu, de la suite du Christ, du caractère essentiel de l’Évangile comme suprême règle de vie ! Offrez le témoignage de la fraternité ! Partagez avec tous les chemins de sainteté ouverts par vos fondateurs et vos fondatrices !

Soyez généreux en enrichissant l’Église locale par les ministères les plus variés, offrant vos compétences dans les services apostoliques, pastoraux et caritatifs bien spécifiques ! Aidez vos frères et sœurs à lire les signes des temps ! Soyez disponibles pour des tâches difficiles et ingrates ! Dilatez la charité et l’horizon missionnaire de l’Église !

En un mot : montrez la beauté de votre vocation, exactement comme Dieu l’a conçue.

Je voudrais dire, en particulier, un mot aux consacré-es agé-es : on sait qu’au Canada la moyen d’âge des religieux et religieuses est d’environ 80 ans. Et alors ? Au regard de Dieux, qui est plus grand ? La jeune religieuse qui commence ou la veille religieuse qui est en train de terminer le saint voyage de la vie ? Je pense la deuxième ! Courage alors ! L’amour ne prend jamais de congé ! Montrez aujourd’hui, à tout le monde, surtout aux jeunes, la jeunesse et la fraicheur de votre Amour !

Je conclus. En présentant l’Année de la vie consacrée, le Pape François a dit que les consacré-es sont « des hommes et des femmes qui peuvent réveiller le monde».

Oui, le regard lumineux d’un religieux, d’un consacré, le visage joyeux d’une religieuse, d’une consacrée, même sans rien dire, peuvent devenir une prédication, un appel, et peuvent réveiller chez ceux que l’on rencontre le désir de Dieu qui est en eux. Si vous êtes ce que vous devez être, chacune, chacun, en parcourant les rues de cette grande ville, c’est comme si vous disiez à tous, respectueusement, mais aussi ouvertement : « Réveille-toi ! Dieu est là dans la barque de ta vie et il est tout entier à toi ! ». Alors dans le monde grandira la joie, grandira l’action de grâce.

Amen